vendredi 6 janvier 2017

De la nature des femmes




chapitre 21

1.
Nous sommes tous tout le temps nus, sous nos habits ― toutes les femmes sont tout le temps nues, sous leurs habits. Peut-on dire comme ça ? On peut pas. Parce que nu, c’est voir nu.
Je commence à m’exercer pour écrire quelques petites rédacs sur la nudité. Et pour le moment ça démarre pas bien. J’y reviendrai une autre fois. Ce sera sur le voir nu. Plus spécialement sur le voir nu des femmes, parce que c’est ça qui m’intéresse et m’a depuis toujours intéressé.

2.
J’ai acheté un petit taille-crayon au Pick & Pay, pour quelques rands, très bon marché, probablement made in China, c’est pas marqué dessus, mais c’est plus que probable, en plastique rouge, et très léger, je le mets dans la poche de mon pantalon, question de l’avoir toujours avec moi, où que j’aille, pour que je puisse tailler mes crayons où que je sois, je prends un très grand plaisir à tailler mes crayons, c’est presque une volupté, le crayon que je taille le plus, c’est l’orange, colour grip de Faber Castell, c’est celui que j’utilise & donc use le plus, parce que je lis beaucoup, et en lisant je souligne, et c’est lui dont je me sers pour mes nombreux soulignages, je souligne en orange, je souligne épaissement des mots qui m’importent, l’épaisseur du soulignage est proportionnel à l’importance du mot, cela peut faire jusqu’à quatre ou cinq traits superposés, mais ça peut être aussi plus léger, deux ou trois traits, parfois c’est une phrase entière que je souligne, dans ce cas c’est un trait simple, qui peut être appuyé ou pas appuyé, c’est selon, parfois c’est un trait vertical, à la marge, le long d’un alinéa qui m’importe, et quand un alinéa m’importe beaucoup, je trace plusieurs traits verticaux, quand un alinéa est très très important, ces traits juxtaposés peuvent remplir toute la marge, jusqu’au bord de la page, mon crayon orange colour grip de Faber Castell en trois semaines a perdu plus de la moitié de sa longueur d’origine, et cela à force de le tailler avec le taille-crayon probablement chinois, je préfère que la mine soit toujours semi-pointue, ce qui fait que je me mets en devoir de tailler avant que la mine soit obtuse, obtusité qui ferait d’office un trait trop épais, quand je veux faire un trait épais, je préfère en superposer plusieurs, pour que la mine reste capable de faire un trait plus fin quand je veux souligner finement.

3.
Nous sommes naturellement nus, mais ce n’est pas naturel que nous le soyons. Aussi nous couvrons-nous. Et surtout nos bas-ventres, comme faisaient Adam et Eve, après l’épisode de la pomme.

4.
Au siècle de Brantôme on appelait le sexe de la femme : sa nature.

5.
Comment les bouts de mes doigts spiralent autour de son nombril, aériennement, touchant à peine la peau délicate de son ventre adoré, et comment ensuite l’index seul chemine en direction de l’aine, effleurant très légèrement la lisière de la toison, et j’écoute, dans un ravissement sans pareil les toutes douces plaintes que cela suscite, la sonorité ‘oooh’ exhalée, à peine audible, mais c’est si intense que c’en est assourdissant, puis le doigt précautionneusement descend le long de la lisse exquise vallée de l’aine, et déjà la respiration se fait plus saccadée, et la mélopée de volupté continue à scander sa suave note monocorde.

6.
Dieu qui voit tout tout le temps, voit donc aussi les femmes nues tout le temps, qu’elles soient habillées ou pas, il voit tout et à travers tout, et donc aussi à travers les blouses et les culottes.
Je n’ai pas envie de ça. Je n’envie pas Dieu. Et n’ai pas envie d’être Dieu. J’ai envie de mes envies.
Mes envies qui s’alimentent des manques et de la privation.
Quand j’ai envie d’une femme, j’ai envie de la voir, de l’avoir nue. Mais elle n’est pas nue.

7.
Dieu qui voit tout, et sonde nos reins et nos cœurs, littéralement ― il  trousse nos panneaux (pagnes) et haillons d’autour de nos parties honteuses, et ne se feint point à nous voir partout, jusques à nos intimes et plus secrètes parties. ― Montaigne, « Essais », III.5

8.
Comment, dans l’ultime phase de me faire jouir avec ses mains, elle halète & murmure : laisse-moi voir, je veux voir comment tu jouis, comment ça sort, et combien, et jusqu’où, je veux que ça saute jusqu’à ton menton, et je veux que tu cries, promets-moi de crier, j’aime ça tellement quand tu hurles.

9.
La nudité, question théologique : étant entendu que nous ressuscitons nus, certains docteurs des premiers siècles ont mis en doute si les femmes au jugement universel ressusciteront en leur sexe, et non plutôt au nôtre (celui des docteurs…) pour ne nous tenter encore en ce saint état. (cf Montaigne, « Essais, III,5)

10.
Une note indiscrète d’un certain ‘conseiller Guilhem’ relate une confidence que Montaigne lui aurait faite : qu’il ne vit jamais, du corps nu de sa femme, que le visage et les mains.


AUTRE LIASSE
Le Murmure du monde, volume VIII
inédit



.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire